Éric Pastorino, président de l’ODG Côtes de Provence, salue la détermination et le dynamisme des entreprises de l’appellation. © G. Lantes
Quelle est la situation de l’appellation, alors que le pays est de nouveau confiné ?
Éric Pastorino : “L’année 2020 aura été très compliquée de bout en bout avec la taxe américaine sur les vins, les caprices du climat et l’épidémie de Covid. Nous nous sommes tous retrouvés dans une situation complètement inédite avec le confinement du mois de mars, mais nous avons continué à travailler au mieux. L’équipe du syndicat de l’AOC Côtes de Provence reste d’ailleurs plus que jamais disponible pour les vignerons.
Si nous faisons le bilan six mois après le début du confinement, nous avons rattrapé une partie du retard enregistré sur le premier semestre. L’appellation a globalement bien résisté, puisque nous enregistrons un recul de 8 % par rapport à l’an passé. La saison touristique a été très bonne, avec une progression des chiffres dans les caveaux. On constate un maintien des parts de marché en grande distribution (GD). Vu le contexte, c’est une satisfaction. L’export s’est globalement maintenu. Il y a bien une baisse de 14 % en volume sur les États-Unis par rapport à l’an dernier, mais elle a été compensée par le dynamisme d’autres destinations comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas et, dans une moindre mesure, la Belgique et l’Allemagne.
Le secteur de l’hôtellerie-restauration reste le plus touché, et ce n’est pas neutre dans notre région. Le manque à gagner sur ce segment de marché n’a pas pu être rattrapé. Les entreprises spécialisées sur ce secteur sont donc les plus fortement impactées par cette crise.
Je sais que les députés Sereine Mauborgne et Valérie Gomez-Bassac soutiennent la possibilité de bénéficier d’exonérations de charges pour les vignerons, en fonction des pertes, et nous espérons que cette mesure aboutira. Nos structures viticoles ont besoin d’être soutenues. Mais de façon
générale, au niveau collectif, il faut souligner la faculté de résilience de notre appellation et la réactivité de nos entreprises viticoles.”
Quels sont, selon vous, les enseignements à tirer de cette période si particulière ?
E.P. : “La situation actuelle doit nous amener à réfléchir sur différents points.
La première observation sur le confinement du printemps, c’est que la GD a contribué activement à la commercialisation de nos vins, avec une valorisation satisfaisante sur la base de contrats négociés avant confinement. Cela nous rappelle combien il est important d’occuper tous les segments de marché. On a besoin les uns des autres. Dans ce cadre, nous devons travailler sur la segmentation des prix, afin d’être en mesure de fournir chaque circuit. Attention, segmentation ne veut pas dire effondrement. La démarche ne remet pas en cause notre politique de montée en gamme. Forts de notre savoir-faire et de nos investissements au vignoble et en cave, nous avons des vins de qualité, que ce soit en entrée, cœur et haut-de-gamme. Chaque produit doit être payé au juste prix. L’exigence qualitative, qui fait la renommée de nos vins, reste notre priorité.
Par ailleurs, j’ai l’impression personnelle que cette crise va modifier nos habitudes et nous en faire prendre de nouvelles. Je pense notamment aux réseaux sociaux et aux ventes par Internet, qui permettent de garder un contact précieux avec notre clientèle. Il me semble que l’appellation a su s’emparer de ces outils, et il faut poursuivre nos efforts dans cette voie.
Enfin, la crise nous rappelle combien le tourisme est vital dans notre département. C’est une activité transversale qui fait travailler nos caveaux, comme les petits commerces, les bars et les restaurants. La campagne de communication du Département, au moment du déconfinement, l’a d’ailleurs souligné. Nous sommes liés et solidaires.”
Qu’en est-il du millésime 2020 dans ces circonstances ?
E.P. : “La récolte 2020 est estimée aux environs de 860 000 hectolitres, soit 60 000 hl de moins que l’an dernier. C’est une des plus petites de ces 20 der-
nières années. Il y a une certaine disparité en fonction des secteurs qui ont gelé ou pas. La sécheresse a aussi impacté les volumes de cette campagne. Nous sommes particulièrement satisfaits de l’excellent niveau qualitatif de ce millésime, malgré des conditions de production pas évidentes. Nous avons des vins équilibrés aux arômes très subtils. Les dégustations organisées au sein de l’ODG sont vraiment très satisfaisantes.
La campagne de commercialisation a commencé de manière dynamique. Au regard des chiffres dont nous disposons aujourd’hui, il n’y a aucune raison d’affolement. L’estimation des stocks 2019, au 31 décembre 2020, se situe entre 80 000 et 100 000 hl, niveau équivalent à celui de 2016. On a craint, un temps, un niveau bien plus élevé ; cela me paraît donc tout à fait raisonnable. Après des années à flux tendus, on retrouve un peu de stock. Cela va nous permettre de prolonger un peu le millésime 2019 et d’éviter des phénomènes de rupture, comme on a pu en connaître par le passé. Il n’y a pas matière à paniquer, les vins doivent se vendre au bon prix.”
Comment envisagez-vous l’avenir pour les Côtes de Provence ?
E.P. : “Il est honnêtement très difficile de se projeter, même à court terme actuellement. J’ose espérer d’abord que, dans les mois à venir, la recherche aura progressé sur des vaccins, ainsi que sur les protocoles de soin qui permettent de guérir du Covid-19.
Pour ce qui est de l’appellation dans l’avenir proche, les vignerons sont évidemment inquiets suite au nouveau confinement, surtout par rapport au circuit CHR, alors que s’ouvre une période de consommation traditionnellement importante. On sent une inquiétude compréhensible au niveau des acheteurs, mais on a quand même des structures qui restent actives. Les vignerons ont su innover, mettre en place de la vente à distance, renforcer leur communication sur les réseaux sociaux, changer de circuits quand c’était nécessaire. Le négoce a aussi fait preuve d’une capacité d’adaptation qu’il faut saluer, malgré l’incertitude qui pèse sur nous tous. Et c’est là une force pour notre appellation. Les différents opérateurs sont dynamiques et travaillent avec le souci commun que l’AOC Côtes de Provence continue à évoluer. Cette solidarité est essentielle.
Je reste donc confiant. Même si ce ne sera pas facile, je ne doute pas que notre appellation sorte plus forte de cette crise. Dans cette période pesante que l’on traverse, on mesure le côté rassurant d’une marque, et notre appellation Côtes de Provence en est une qui fait référence. C’est un atout qu’il ne faut pas négliger.
Et puis, il faut préparer la sortie de crise : les gens vont avoir besoin de revenir aux fondamentaux, au terroir, à la nature. Dans ce cadre, nous sommes en première ligne et nous répondrons présents.
Le syndicat continue à travailler pour préparer l’avenir. Nous poursuivons notamment notre action sur la certification collective Haute valeur environnementale, en lien avec les Chambres d’agriculture du Var et des Bouches-du-Rhône et l’ICV. 202 exploitations et 2 500 hectares de vignes en AOC Côtes de Provence sont aujourd’hui certifiés. Cette démarche illustre bien l’engagement des vignerons et la belle dynamique de filière, indispensables pour avancer.”
Propos recueillis par Gabrielle Lantes
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