Éric Pastorino, président du Syndicat de l’AOC Côtes de Provence, plaide pour la prise en compte du caractère exceptionnel de la situation actuelle.
Comment l’AOC Côtes de Provence fait-elle face à la période troublée que nous traversons actuellement ?
Éric Pastorino : “D’une situation très favorable ces dernières années, on est passé, assez brutalement, à un contexte plus fragile. Au mois d’octobre dernier, on a d’abord pris de plein fouet la taxe américaine sur nos vins exportés aux États-Unis. Mi-mars est intervenu le confinement, dû au Covid-19. Et comme si cela ne suffisait pas, fin mars, c’est le gel printanier qui a frappé. Comme tout le monde, on avance semaine par semaine pendant cette crise, et c’est très compliqué à gérer. On a un système très centralisé en France : on est donc suspendu aux décisions du gouvernement. Il y a énormément d’incertitudes. Personne ne peut prédire ce qui va se passer dans les prochains mois au niveau économique, à l’échelle nationale, européenne ou mondiale. Nous vivons une période sans précédent”.
Pouvez-vous estimer les dégâts causés par le gel ?
É.P. : “À ce jour, nous n’avons pas de chiffres à communiquer. On attend le redémarrage des vignes et le comptage des inflorescences pour faire un bilan. Ce qui ressort, c’est que le dernier gel d’une telle ampleur en Côtes de Provence remonte à 1991. Le phénomène de cette année est très important, par son intensité et son étendue géographique. Quasiment l’intégralité du département a été touchée, y compris sur le littoral à Grimaud ou La Londe, par exemple. Il apparaît, d’autre part, que c’est sur les grenaches que le gel a causé le plus de dégâts. Il s’agit du cépage principal de l’AOC Côtes de Provence. Le grenache représente 36 % de l’encépagement de notre appellation. Nous prévoyons d’avoir des données plus précises courant mai. Eu égard à la conjoncture actuelle, nous tenons à présenter des chiffres qui soient au plus près de la réalité.”
Qu’en est-il des conséquences de la crise sanitaire ?
É.P. : “À ce jour, c’est la bonne surprise : il semble que l’export se maintienne. On observe, en revanche, des fragilités sur les entreprises présentant une part importante de commercialisation en vente directe ou sur la CHR. Pour ceux qui font du vrac, il faudra voir en fonction des sorties à venir. Les chiffres montrent une baisse, mais nous ne sommes pas sur la période la plus significative. Les mois de juin, juillet et août sont les plus stratégiques, et ils seront cruciaux.
Ce qui remonte du terrain, ce sont d’abord les difficultés à payer les charges sociales et à honorer les diverses échéances financières. C’est un problème qui va se prolonger sur deux exercices, en raison de la durée de la crise. Nous demandons donc aux autorités de surseoir aux charges par des exonérations, et comptons sur l’implication de nos partenaires financiers, pour consentir à des reports et permettre aux entreprises de récupérer un peu de trésorerie. Nous travaillons au sein de la cellule de crise de la Chambre d’agriculture pour défendre la demande d’exonération, et nous suivons de près tout ce qui se passe.”
Le Syndicat des Côtes de Provence porte d’autres demandes au niveau national et européen ? Quelles sont-elles ?
É.P. : “Nous listons en ce moment tout qui pourrait aider la profession. Les sujets sont nombreux à commencer par la prolongation des autorisations de plantation et l’assouplissement des contrôles. Par rapport au gel – dans la mesure où notre principal cépage est touché – nous avons lancé dans les tuyaux des demandes de dérogations au cahier des charges sur l’encépagement et l’assemblage.
D’autre part, nous avons présenté une demande de modification temporaire des règles d’étiquetage concernant le millésime. Cette règle européenne, dite des 85/15, autorise à revendiquer un millésime avec une part de 15 % de la récolte précédente. Nous souhaitons passer à un ratio de 70/30 pour le millésime 2020. Nous serions en mesure, dans ces conditions, de garantir le niveau qualitatif, d’autant que le millésime 2019 s’y prête grâce à un potentiel de garde intéressant. C’est une procédure complexe propre à l’appellation, mais soutenue par l’ensemble de la filière française. Le dossier, passé par les instances nationales, est désormais entre les mains de la Commission européenne. C’est en cours de négociation, et nous mettrons tout en œuvre pour obtenir satisfaction.”
Comment l’AOC se prépare-t-elle à la reprise ?
É.P. : “Nous sommes confrontés à une situation absolument inédite. Dans ces circonstances, il faut, à mon sens, impérativement garder le cap de la prémiumisation, en étant encore plus vigilant que d’habitude à la qualité. Nous, producteurs, devons continuer à proposer le meilleur produit aux consommateurs, car c’est ce qui différencie nos Côtes de Provence. Après le gel du printemps, il faudra être particulièrement attentif à la vinification et à la conservation de nos rosés. Dans cette perspective, on travaille en étroite collaboration avec les différents cabinets d’œnologie. Ce sont de beaux partenariats qui nous permettent d’avancer, avec ce souci premier de la qualité. Le millésime 2019 a un beau potentiel, c’est un atout.
Nous sommes aussi en lien avec Françoise Dumont, présidente du Comité départemental du tourisme. L’activité touristique sera primordiale pour les rosés de Provence. Le tourisme a l’avantage de faire travailler tout le monde : le vigneron, l’artisan, le commerçant de proximité… Faute de visibilité, on imagine différents scenarii, sachant qu’il y aura sans doute une grosse concurrence nationale.”
Dans quel état d’esprit envisagez-vous cette sortie de crise ?
É.P. : “Les mois à venir et le disponible 2020-2021 seront décisifs. Personnellement, je souhaite que, sur la base des chiffres dont nous disposerons, l’ensemble de la filière – ODG, interprofession, fédérations de métiers et syndicats professionnels – puisse mettre en place une stratégie de reconquête à deux ans. On doit pouvoir travailler tous ensemble, pour relancer le marché viticole varois, dès la fin de l’été. La confiance sera un facteur important, qui va conditionner la reprise de la consommation. On est, pour l’heure, dans l’incertitude, et il faut attendre les chiffres des mois de grosse consommation de vin rosé pour se projeter. Je reste convaincu que la situation saine de l’appellation Côtes de Provence est une grande chance. On n’a aucun stock 2018 dans les caves ; on a démarré 2020 sur un stock à 0 ; et le millésime 2019 est très qualitatif. Il nous faut rester unis, solidaires et prudents.”
Propos recueillis par Gabrielle Lantes
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